VIII.2. Techniques de nivellement

Diverses techniques de nivellement permettent de déterminer les différences d'altitudes, ou dénivelées, entre points matériels au sol. Parmi ces techniques, l'une d'elles mérite toute notre attention en raison de la qualité des résultats qu'elle peut fournir. C'est le nivellement géométrique de précision, connu également sous la désignation de nivellement direct ou encore de nivellement par visées horizontales.

Nous n'étudierons pas les autres techniques, dont la précision est loin d'égaler celle du nivellement géométrique. Aussi, le terme de nivellement est tacitement employé ici pour désigner cette technique. La figure 90 montre les différents éléments de l'opération élémentaire de nivellement, à savoir, le niveau optique, les mires, le trépied, les crapauds, et l'observateur. Cette opération élémentaire est désignée sous le nom de nivelée, et chaque visée sur une mire est une portée. L'inventaire des sources d'erreur peut s'organiser de la manière suivante:

Figure 90 : Opération élémentaire du nivellement géométrique de précision.

VIII.2.1. Erreurs du niveau

Quelque soit le type, un niveau est conçu de façon à matérialiser une ligne de visée horizontale. Pour ce faire, il est équipé d'une nivelle et, selon le type de niveau considéré, d'un système compensateur qui assure l'horizontalité, même lorsque la lunette est faiblement inclinée. Si la visée n'est pas horizontale, une erreur proportionnelle à la distance est commise à moins que les portées soient égales, auquel cas les erreurs se compensent sur le résultat de dénivelée. Bonnetain [1987] estime l'erreur typique, engendrée par une différence de portée de deux mètres, à un dixième de millimètre sur la dénivelée lorsque la valeur de dérèglement est de deux millimètres sur 40 m. Par ailleurs, on appelle erreur de collimation l'erreur engendrée par l'angle que fait l'axe optique de la lunette avec la directrice de la nivelle. L'erreur peut-être réduite par le réglage préalable du niveau, mais les variations de température peuvent affecter ce réglage.

Les champs électriques et magnétiques affecteraient l'efficacité du compensateur. Le champ magnétique terrestre entraînerait ainsi des erreurs systématiques pouvant atteindre deux millimètres sur un cheminement de un kilomètre. Beaucoup de constructeurs équipent désormais les prismes compensateurs de " boucliers magnétiques ". L'incertitude des niveaux de précision est annoncée à environ 0.2 - 0.3 mm. Notons que le dispositif de lecture, ou micromètre, permet de lire le dixième de millimètre sur la mire, voire d'estimer le centième.

VIII.2.2. Erreurs de mire

Les mires sont des règles graduées en métal ou en bois. Elles sont chiffrées d'ordinaire en centimètres. Les erreurs systématiques associées peuvent survenir lorsque:

VIII.2.3. Erreurs dues à l'environnement

Les variations de l'indice de réfraction atmosphérique à proximité du sol sont une source de distorsion importante de la ligne de visée horizontale, et par suite elles sont génératrices d'effets systématiques. Le coefficient de réfraction varie selon la nature du sol, l'heure de la journée, les conditions météorologiques, etc. Il est fortement recommandé d'éviter la lecture des mires au-dessous d'une hauteur de cinquante centimètres, où les gradients thermiques sont plus instables. On distingue une partie symétrique dont on peut s'affranchir en respectant l'égalité des portées, et une partie asymétrique qui s'accentue lors du franchissement de pentes. Il est possible de corriger en partie l'erreur introduite par la réfraction en mesurant le gradient vertical de température le long des lignes de visée, et en utilisant des modèles de réfraction empiriques.

L'affaissement du sol sous le poids du matériel, mires ou niveau, est susceptible de générer des erreurs systématiques. De même, un effet de flexion du sol se produira sous le poids du porte mire ou de l'observateur. L'ampleur de la déformation est fonction de la nature du sol, du choix du trépied, des crapauds, du mode opératoire, etc.

L'influence de la courbure de la Terre est également à considérer lorsque les portées ne sont pas égales. Enfin, les effets des marées peuvent aussi être à l'origine d'erreurs systématiques. Toutefois, à défaut de les corriger par le calcul, on opte pour une méthode opératoire rapide, de préférence en aller - retour.

Cette revue des sources d'erreur systématique du nivellement révèle une multitude d'effets souvent négligeables sur une nivelée, mais qui se cumulent de toute évidence de proche en proche. Ils finissent par devenir visibles sur de longues distances. Il est intéressant de noter à ce sujet que la précision des réseaux NGF-Lallemand et NGF-IGN69 est évaluée par une erreur probable kilométrique (e.p.k.) de 1.7 mm/(racine carrée de km) et de 1.3 mm/(racine carrée de km) respectivement. L'indicateur de précision est calculé à partir des différences aller - retour. Mais comme le remarque justement Kasser [1989], il ne chiffre pas les erreurs systématiques de mesure, mais seulement la partie aléatoire. Or, la partie systématique semble loin d'être négligeable, puisque les écarts observés sont largement au-delà de l'espérance d'un modèle d'erreur gaussien. Leur orientation privilégiée suivant la direction nord-sud n'a pas encore d'explication satisfaisante. En outre, l'auteur souligne que la traversée réalisée en 1983 entre Marseille et Dunkerque présente une e.p.k. de 0.27 mm/(racine carrée de km). L'explication de cette amélioration nette proviendrait de la stratégie d'observation employée, qui se fonde sur:

Mais force est de constater que ces travaux n'ont pas éclairci la question de l'origine des erreurs systématiques en nivellement de précision. Les causes physiques possibles sont innombrables et n'ont pas encore été analysées en détail. La précision du nivellement dépend donc du matériel utilisé, de son réglage, des contrôles réguliers apportés, de l'environnement, des opérateurs, et de l'application rigoureuse de méthodes de mise en oeuvre. A titre d'exemple, le respect de l'égalité des visées arrière et avant d'une nivelée élimine a priori l'erreur de collimation, l'erreur due à la partie symétrique de la réfraction atmosphérique, et l'erreur de courbure de la Terre. Plus de détails concernant ces questions techniques peuvent être abordés dans des manuels spécialisés tels que celui de Bonnetain [1987].



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Thu Jan 22 16:09:34 WET 1998