La connaissance des hauteurs d'eau près de la côte est une donnée importante pour la navigation maritime, en particulier à proximité des zones portuaires. Ce besoin est la motivation principale à l'origine de la mise en place de la plupart des marégraphes par les autorités portuaires. Ainsi, l'étude, l'analyse et la prédiction des marées en un lieu donné ont, d'une part, un intérêt pratique de prédiction (annuaires des marées); et, d'autre part, un intérêt scientifique de compréhension des phénomènes perturbateurs astronomiques (Lune, Soleil...) et de la réponse géophysique de la Terre à ces perturbations.
L'établissement des annuaires des marées est sous la responsabilité du SHOM, en France. A cet égard, il collecte les données nécessaires pour leurs calculs. Rappelons que selon la législation en vigueur, toute observation du niveau de la mer, effectuée sur les côtes françaises, doit être communiquée au SHOM. Les organismes gestionnaires ou propriétaires des marégraphes en France sont assez nombreux et divers. Parmi ces derniers on trouve: les Ports Autonomes, les DDE (Directions Départementales de l'Équipement), les Services Maritimes, le SHOM, l'ORSTOM (Office de Recherche Scientifique et Technique d'Outre-Mer), l'IFRTP (Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires), l'EDF et l'IGN.
Surtout destinés à l'analyse et à la prédiction des marées, beaucoup de marégraphes ont également été utilisés d'une façon continue à la mesure du niveau moyen de la mer, qui a servi de base à la plupart des réseaux de nivellement. En effet, l'origine des systèmes nationaux d'altitude a souvent été choisie de manière à approcher au mieux le géoïde, surface équipotentielle idéale du champ de pesanteur terrestre, qui correspondrait à la surface de la mer dans des conditions parfaites d'homogénéité et de repos des océans et de l'atmosphère, ainsi qu'en l'absence de perturbations d'origine astronomique (marées). Afin de se trouver le plus proche possible de cette surface idéale, on a souvent défini l'origine du réseau de nivellement par la cote d'un repère, dit fondamental, au dessus d'un niveau moyen de la mer calculé à partir des observations d'un marégraphe sur une période donnée, la plus longue possible. Les chapitres V et VII apportent un certain nombre de détails complémentaires à ce sujet, en particulier en ce qui concerne la problématique de l'unification des références verticales.
Outre ces applications traditionnelles, les techniques modernes de marégraphie offrent aujourd'hui de nouvelles perspectives d'exploitation, essentiellement en raison de:
Inversement, de nouvelles préoccupations, notamment associées à l'étude et à la compréhension de notre environnement, ont suscité le développement des techniques de marégraphie au cours de cette dernière décennie. A titre d'exemple, quelques unes des applications scientifiques qui exigent des données marégraphiques de qualité, et qui intéressent la communauté française, sont présentées ci-dessous:
L'estimation de l'élévation globale du niveau des mers. Cette application étant à l'origine du sujet de la thèse, et ayant fait l'objet du premier chapitre, nous n'insisterons pas davantage ici. Simplement, soulignons qu'en raison de l'incertitude des prévisions issues des modèles climatiques, le niveau de la mer doit faire l'objet d'une surveillance appropriée en continu. A cet égard, la COI s'attache, depuis le milieu des années 80, à mettre en oeuvre un réseau mondial de marégraphes, le réseau GLOSS (Global Sea-Level Observing System) adapté aux exigences du problème [IOC, 1990].
L'étude de la circulation océanique. Un élément clé dans la compréhension de la dynamique du climat et du rôle des océans réside dans une meilleure connaissance des courants océaniques. Les océans sont d'énormes réservoirs d'énergie, qu'ils absorbent au niveau de l'équateur, et qu'ils restituent ensuite aux moyennes et hautes latitudes par le biais des courants océaniques de surface (Gulf Stream, Kuroshio...). Les marégraphes permettent de déterminer certaines caractéristiques de ces courants, mais surtout de surveiller leur évolution, en mesurant les différences de niveau moyen de la mer entre deux points situés sur le passage du courant, par exemple entre deux îles, ou, de part et d'autre d'un détroit. En effet, le gradient de pression horizontal de la surface moyenne de la mer, perpendiculaire à la direction du courant, équilibre la force de Coriolis à laquelle est soumise toute particule en mouvement à la surface de la Terre. On peut ainsi remonter à certaines caractéristiques du transport de masse et d'énergie effectué par un courant océanique. Le Programme Mondial de Recherche sur le Climat (PMRC), mené conjointement par le CIUS et l'OMM, comprend l'expérience WOCE (World Ocean Circulation Experiment) dont l'un des objectifs est justement les calculs géostrophiques de certains courants. La France participe activement à cette expérience, en particulier pour la surveillance du courant circumpolaire antarctique, grâce au réseau ROSAME (Réseau d'Observation Sub-antarctique et Antarctique du niveau de la MEr), mis en place avec l'aide de l'IFRTP et de l'INSU (Institut National des Sciences de l'Univers), et qui se trouve sous la responsabilité scientifique de C. Le Provost. Cette application est assez exigeante au niveau des données marégraphiques. En principe, de longues séries de moyennes journalières du niveau de la mer sont suffisantes pour surveiller la variabilité des courants. Cependant, des données horaires, voire plus fréquentes, d'une précision de 1 à 2 cm sont recommandées pour se prémunir des distorsions locales non-linéaires d'origine océanographique, mais aussi pour pouvoir contrôler de manière continue les performances de l'instrument, et pour permettre la détection d'éventuelles erreurs dues, par exemple, à la dérive de la référence du marégraphe.
La validation des résultats de l'altimétrie radar satellitaire. L'intérêt de la France dans le domaine de l'océanographie est parfaitement illustré par la mission franco-américaine TOPEX/POSEIDON. De nombreuses équipes françaises de recherche (GRGS, CNES, Observatoire de la Côte d'Azur,...) utilisent les données d'altimétrie radar embarquée sur satellite pour calculer des surfaces topographiques de la mer. L'altimétrie satellitaire est un outil précieux pour la surveillance des courants océaniques de surface, et pour l'étude de leur dynamique, en raison de sa vision synoptique de l'ensemble des bassins océaniques. Cependant, quelques problèmes demandent des études sérieuses appuyées sur des données marégraphiques, en particulier:
D'autres applications, à caractère plus pratique, bénéficient également de l'essor de la marégraphie. La détermination des niveaux d'eau extrêmes et la modélisation des marées de tempête sont particulièrement importantes pour les études d'impact et d'évaluation des risques d'érosion ou d'inondation en zone côtière. De nombreuses techniques ont été développées depuis quelques années pour estimer les probabilités d'inondation, mais elles requièrent des données horaires de qualité du niveau de la mer sur plusieurs années. Ces observations fournissent les bases statistiques essentielles pour le calcul des périodes de retour d'événements extrêmes de nature météomarine [B. Simon, 1994]. En outre, leur collecte en temps quasi-réel permet de mettre en oeuvre un système opérationnel d'alerte aux ondes de tempête, tel que le réseau de marégraphes en Mer du Nord, ou encore celui du Pacifique Sud-Ouest. Par ailleurs, il est souvent important de connaître les fluctuations à court terme du niveau marin sur des sites précis du littoral où on envisage d'entreprendre des ouvrages, et d'estimer si ces fluctuations seront du même ordre de grandeur dans un avenir plus au moins lointain.
Les applications énoncées dans cette section couvrent largement le spectre temporel et spatial des variations de la surface océanique, depuis les événements brusques et locaux d'origine météorologique jusqu'aux processus séculaires et mondiaux d'origine climatique. La liste des utilisations n'est certainement pas exhaustive. Toutefois, elle montre bien le regain d'intérêt actuel pour la marégraphie, aussi bien dans le domaine pratique que scientifique. Alors que les gestionnaires des marégraphes étaient à l'origine surtout des autorités portuaires, aujourd'hui des organismes de recherche installent, dans la mesure de leurs possibilités, des marégraphes pour leurs propres besoins (GLOSS, ROSAME...).
Enfin, pour clore cette section, nous indiquons ci-dessous le résultat d'une étude préliminaire effectuée à l'IGN en 1992. Les organismes, intéressés par les observations marégraphiques, qui se sont manifestés auprès de l'IGN pour récupérer les hauteurs d'eau moyennes des stations de Marseille ou de Nice, sont: