L'origine de ce travail de thèse remonte à un cours de trois heures, donné par Christian Le Provost dans le cadre de l'option "Géodésie spatiale et environnement" du DEA dont j'ai été diplômé en 1992. Dès le début de son exposé, il réussit à captiver son auditoire, et en particulier mon attention, par un discours vivant, imprégné de la passion qui anime ses recherches dans le domaine de l'océanographie. Enthousiasmé par ce cours qui reprenait avec quelques détails son article paru dans la revue La Météorologie : "Le niveau de la mer, un index fondamental pour l'océanographie et la climatologie" [Le Provost, 1991], mais frustré de ne pas avoir davantage d'éléments pour satisfaire ma curiosité, je m'empressai de lui communiquer mon intérêt.
Conscient qu'une expertise de renommée internationale dans le domaine des systèmes de référence géodésiques se trouvait à l'Institut Géographique National (IGN), C. Le Provost s'est alors adressé à Claude Boucher, qu'il connaissait des nombreux groupes de travail internationaux auxquels ils avaient eu l'occasion de contribuer. Il lui proposa de considérer l'opportunité de démarrer en co-tutelle une thèse sur la combinaison des techniques de géodésie spatiale et de marégraphie. L'accueil fut enthousiaste. En effet, l'intérêt de l'IGN pour la marégraphie et le niveau de la mer remonte au siècle dernier, notamment aux fins de résoudre certaines questions associées aux références verticales. Le soin apporté à la construction de l'observatoire de l'anse Calvo et à son instrument marégraphique, les deux éléments principaux du Marégraphe de Marseille, ainsi que l'invention du médimarémètre par Charles Lallemand [Vignal 1935, Hurault 1955, ou Ducher 1964], témoignent, entre autres exemples, de cet intérêt passé. Aujourd'hui, l'attention portée à la marégraphie demeure, quoique moins accentuée, puisque l'IGN figure parmi les premiers organismes promoteurs du concept synergique de rattachement géodésique des marégraphes dans un système de référence mondial par techniques de géodésie spatiale, et des toutes premières campagnes GPS orientées vers les marégraphes (1986).
C'est ainsi que je découvrais un vaste domaine d'étude, situé au carrefour de nombreuses disciplines des Sciences de la Terre, où la géodésie est également susceptible de concourir : l'étude des variations séculaires du niveau des mers. Bien que le thème de recherche ne fût pas récent, il connaissait un regain d'intérêt important depuis quelques années, non seulement à cause de l'effet médiatique provoqué par les scénarios dramatiques de changement climatique dû à l'effet de serre, mais surtout à cause des nouvelles possibilités techniques offertes par la géodésie spatiale en synergie avec la marégraphie.
Plusieurs applications au processus de rattachement géodésique des marégraphes étaient envisageables. Néanmoins, le contexte évoqué ci-dessus explique l'attention particulière que j'ai accordé à l'estimation des variations séculaires du niveau des mers. En outre, C. Le Provost est le correspondant GLOSS[*] en France. Il est aussi à l'origine du réseau d'observation Sub-antarctique et Antarctique du niveau de la mer (ROSAME) dans le Sud de l'Océan Indien. La mise en place de ce réseau l'a mené à plusieurs reprises dans le territoire des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), en particulier aux îles Kerguelen, en 1992, soit deux siècles après leur découverte par un autre breton : le chevalier Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec, né le 13 février 1734 dans le manoir familial près de Quimper, décédé le 3 mars 1797 à Paris.
Figure 1 : Vue de l'observatoire du niveau de la mer de Marseille dans l'anse Calvo. (Image numérisée à partir d'une photo trouvée dans les archives de l'IGN).
Note: [*] les sigles qui apparaissent dans le texte sont explicités ici.