Annexe A: les données du marégraphe totalisateur de Marseille

L'objet de cette annexe est de fournir les éléments techniques nécessaires pour comprendre le fonctionnement du marégraphe de Marseille, appareil unique au monde, et la nature de ses données. Les informations présentés ici sont tirées de l'étude des nombreuses archives de l'IGN, et notamment d'une note provisoire qui fût établie en avril 1963, alors que la marégraphie connaissait un intérêt important dans cet établissement.

A.I. Description du marégraphe de Marseille

Construit par les ingénieurs du port de Marseille en 1884, sur un point dégagé de la côte, à l'abri de tout apport notable d'eau douce, le marégraphe de Marseille de l'Anse Calvo constitue un observatoire du niveau de la mer doté de deux bâtiments solidement ancrés sur le rocher, l'un abritant les instruments de mesure et l'autre destiné au gardien chargé de sa surveillance et des relevés (cf. photo de la figure 1 dans l'avant-propos). Il fût établi à la demande du Service du Nivellement Général de la France afin de déterminer l'origine du système d'altitude français (NGF), le plus proche possible d'un niveau moyen de la mer sur plusieurs années, de fait, sur douze ans, entre 1885 et 1897.

Figure A.1 : Vue du marégraphe totalisateur de Marseille. (Image numérisée à partir d'une photo trouvée dans les archives de l'IGN).

Le principal instrument de l'observatoire, qui d'ailleurs donne son nom à ce dernier, est le marégraphe. Il s'agit d'un appareil classique à flotteur, muni toutefois d'un planimètre totalisateur du système Reitz, qui lui procure toute son originalité. L'image de la figure A.1 présente une vue de cet appareil. Il fût construit par M. Dennert suivant les modifications indiquées par M. Lallemand. Selon Vignal [1935], seuls deux autres appareils de type marégraphe-totalisateur aurait existé en Europe, l'un à Cadix, en Espagne, et l'autre sur l'île d'Helgoland, en Allemagne. Le totalisateur est un dispositif ingénieux d'intégration mécanique qui facilite le calcul du niveau moyen de la mer en faisant automatiquement la somme des valeurs partielles de cette grandeur, obtenues de manière continue. Autrement dit, il intègre les valeurs instantanées du niveau de la mer en fonction du temps.

La chaîne de mesure est schématisée dans la figure 10 du chapitre II que nous reprenons ci-après. Les fluctuations du plan d'eau agissent sur le flotteur (F) situé au fond du puits de tranquilisation qui communique avec la mer par une galerie d'accès. Cette galerie voûtée, de 80 centimètres de largeur et 2,70 mètres de hauteur, est protégée des apports de galets et de sable par divers écrans, certains réglables. Son radier est à environ 60 centimètres au-dessous de la basse mer. Les déplacements verticaux du flotteur entraînent une roue (R) par un fil de suspension (abcdef). Ils sont réduits par pignon et crémaillère dans un rapport de un sur dix, puis transmis aux chariots porte-styles (B) et porte-roulettes (A). Notons que le flotteur, de 90 centimètres de diamètre et 10 centimètres de hauteur, est muni de rouleaux de guidage qui glissent sur trois rails de bronze fixés dans le puits de tranquilisation, qui a un mètre de diamètre. Par ailleurs, les variations thermiques de la longueur du fil de suspension du flotteur sont rigoureusement compensées par les variations thermiques d'un fil (hij) de même nature.

Figure 10 (rappel) : Principe de mesure du marégraphe totalisateur de Marseille.

Les variations du niveau de la mer sont transmises à deux dispositifs enregistreurs différents. D'un côté, le chariot (B) est équipé de deux styles (M) et (N) qui inscrivent leur déplacement horizontal sur deux rouleaux de papier ajustés sur le cylindre enregistreur mû par un mécanisme d'horlogerie. Les deux courbes sont identiques et constituent chacune une courbe de marée; les diagrammes portant le nom technique de marégrammes. L'un était stocké sur place, et l'autre envoyé à Paris pour archivage. D'un autre côté, le chariot (A) se déplace verticalement devant le disque totalisateur (Q) mû par l'horloge. Ce chariot porte deux roulettes (r1) et (r2) frottant sur le disque totalisateur, dont la rotation les fait tourner sur elles-mêmes. Le nombre de tours de chaque roulette est proportionnel à l'aire de la courbe de marée, et celui du disque totalisateur est proportionnel au temps. On déduit alors le niveau moyen de la mer des lectures des compteurs de tours associés aux deux roulettes et au disque. La moyenne correspondant à l'intervalle de temps qui sépare deux lectures successives.

A.II. Totalisateur et niveaux moyen de la mer

La théorie du marégraphe totalisateur est expliquée ici à l'aide du croquis de la figure A.2. Un disque circulaire plan (Q) est calé sur l'axe du cylindre enregistreur. Tous deux sont entraînés par le mouvement de rotation commandé par l'horloge. Sur le disque totalisateur (Q) s'appuie une roulette enregistreuse (r) dont l'axe (rS) parallèle au plan du disque ne peut suivre que des déplacements verticaux. Grâce au système de poulie (pp') ces déplacements, et en particulier ceux du point de contact de la roulette sur le disque, sont égaux à ceux de la crémaillère portant le style (i). Ils traduisent par conséquent les déplacements du plan d'eau au facteur de réduction près.

Figure A.2 : Principe du marégraphe totalisateur.

La roulette (r) est donc soumise à deux mouvements:

Soit {K} la vitesse de rotation uniforme du disque, le nombre de tours effectués par ce disque pendant la durée {dt} est:

Relation

Soit par ailleurs {z} la distance du centre du disque (Q) au point de contact de la roulette (r) à l'instant {t}, en supposant que l'entraînement de (r) par la rotation de (Q) se fasse sans glissement, l'arc élémentaire que (r) déroule pendant l'intervalle {dt} est proportionnel à sa distance {z} au centre du disque et à l'angle de rotation du disque pendant {dt}, autrement dit, en exprimant les angles en tours:

Relation, soit encore:

Relation

La constante {k} est en effet connue, elle est liée au rayon de la roulette (r). La grandeur {z} étant fonction du temps, nous pouvons établir sa moyenne {zm} pendant une période [t0;t1]:

Relation

Pour des raisons de précision, nous avons vu que le chariot (A) porte deux roulettes (r1) et (r2) situées par construction à une distance fixe. Pour chacune d'entre elles, on a la relation précédente:

soit pour (r1): Relation

et pour (r2): Relation

Si {z} désigne à présent la position du centre de l'ensemble des deux roulettes, on a à tout instant:

Relation

et par conséquent, sa valeur moyenne sur l'intervalle [t0;t1] est:

Relation

La position des roulettes symétriques par rapport au centre du disque totalisateur (Q) est définie comme le zéro du totalisateur. Aussi, l'ensemble totalisateur-crémaillère a été réglé pour que le zéro du totalisateur corresponde à la division 1000 de la réglette de la crémaillère. En outre, le zéro de la réglette est situé à une hauteur {h} par rapport à la référence arbitraire du marégraphe, c'est-à-dire le zéro NGF. Par ailleurs, considérant que:

alors nous obtenons le niveau moyen de la mer {fm} rapporté à la référence du marégraphe, sur un intervalle de temps spécifique exprimé en jours, par la relation:

Relation, en mètres

De manière rigoureuse, on peut donc obtenir avec un minimum de calculs le niveau moyen de la mer sur la période de temps désirée: journalière, hebdomadaire, mensuelle, etc.



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Thu Sep 10 10:48:19 MET DST 1998