Les mesures GPS de phases ou de codes (appelées aussi pseudodistances) sont réalisées par comparaison du signal venant du satellite avec le signal généré par le récepteur. Le bruit de la mesure est estimé à mieux que 1% de la longueur d'onde du signal sur lequel se fait la mesure, ce qui donne pour les phases un bruit de 1 à 2 mm. Ces mesures sont affectées par de nombreuses sources d'erreurs systématiques: horloges, orbite des satellites, variations du centre de phase de l'antenne, milieu de propagation des ondes, effets relativistes, etc. que nous allons décrire ici.
Nous avons vu qu'il existe un problème d'ambiguïté entière, car le signal a parcouru un nombre de cycles a priori inconnu lorsque le récepteur effectue sa première mesure. Ce nombre reste constant pour une paire récepteur - satellite donnée à condition que le récepteur capte le signal du satellite en permanence. Si un saut de cycle se produit à cause d'une perte momentanée du signal, la valeur de l'ambiguïté entière change. Dès que le récepteur accroche à nouveau le signal, il peut reprendre son comptage mais un nombre entier de cycles a été perdu. Si la perte de signal est courte, typiquement inférieure à quelques minutes, il est possible de corriger les sauts de cycle lors du prétraitement des données, ce qui évite d'avoir à déterminer une nouvelle valeur pour l'ambiguïté entière [Rothacher & Mervart, 1996]. Sinon, il est nécessaire d'introduire une nouvelle inconnue dans la résolution du système. Les causes physiques à l'origine des pertes de signal peuvent être nombreuses: masque momentané, changements erratiques de fréquence, activité géomagnétique, scintillations ionosphériques, etc. Elles dépendent souvent de la qualité intrinsèque du récepteur.
Les erreurs de synchronisation entre signaux émis, reçus, et générés, ont un effet direct sur la mesure. Une erreur d'une microseconde dans la mesure du temps de parcours du signal GPS entraîne une erreur de 300 mètres en distance. Les horloges des satellites sont très stables, quelques 10-13 et 10-14 sur un jour, toutefois des corrections doivent être apportées par rapport au temps GPS. Celles-ci sont fournies par un modèle d'horloge polynomial dont les paramètres sont calculés par le réseau de contrôle et sont diffusés dans le message de navigation. L'erreur du modèle est de l'ordre de 0.1 à 1 microseconde. Elle n'est pas acceptable a priori, mais il est possible de former une combinaison linéaire des observations de deux récepteurs observant le même satellite, appelée double différence, qui permet d'éliminer l'erreur d'horloge résiduelle du satellite en question. De même, l'observation de deux satellites par un récepteur permet de former des simples différences des observations qui éliminent l'erreur d'horloge résiduelle du récepteur. Notons que le décalage de l'horloge du récepteur au temps GPS est en général estimé au préalable avec une précision comparable à celle du modèle d'horloge du satellite à partir du traitement des mesures de codes.
La précision des éphémérides radiodiffusées varie entre cinq et trente mètres en moyenne en raison des erreurs de modélisation de l'orbite des satellites. Or, la détermination de la position d'une station suppose la connaissance de la position des satellites. La règle empirique formulée dans la relation (E.VIII.3) permet d'évaluer l'influence de l'erreur d'orbite sur le calcul de positions relatives [Wells et al, 1986].
Equation (E.VIII.3)
Le tableau de la figure 92 donne une idée de l'ampleur de l'erreur. Il explique en outre pourquoi la communauté géodésique a établi l'IGS, dont les orbites diffusées ont une précision typique d'une dizaine de centimètres [Daniel, 1996].
Figure 92 : Erreur d'orbite maximale en fonction de la ligne de base si l'on souhaite obtenir une précision de un centimètre, d'après la relation empirique (E.VII.3).
Ligne de base Erreur d'orbite maximale (km) (m) 1 250 10 25 100 2.5 1000 0.5 5000 0.1
La mesure du signal radioélectrique s'effectue au centre de phase. Celui-ci n'est en général pas confondu avec le centre physique de l'antenne. Son excentrement dépend de l'intensité du signal reçu. Il est différent pour L1 et L2. Les centres de phase sont naturellement instables et varient de l'ordre de 1 à 2 cm suivant l'angle d'élévation et l'azimut du signal. Si le même type d'antennes est utilisé, on peut considérer que l'excentrement est le même et s'élimine en mode relatif si les antennes sont orientées dans la même direction; mais ceci à condition que les lignes de base ne soient pas trop longues, en raison de la courbure de la Terre. Dans l'étude réalisée par Mireault et al [1993], le mélange d'antennes introduit une erreur systématique qui atteint presque 3 cm sur la composante verticale des résultats de positionnement relatif entre stations. L'étude plus récente de Rothacher et al [1995] montre que l'effet peut atteindre 10 cm sur la composante verticale du positionnement relatif si aucune correction des variations de centre de phase en élévation n'est appliquée. Lorsque des récepteurs de même type sont utilisés, l'erreur se réduit à 0.015 ppm sur la longueur de la ligne de base, soit 1.5 cm pour une ligne de base d'un millier de kilomètres. Les différentes solutions proposées par ces auteurs de modéliser et d'estimer les corrections des variations de centre de phase en élévation et en azimut à partir de mesures GPS réalisées sur des très courtes lignes de base, quelques dizaines à quelques centaines de mètres, éliminent les biais observés. La communauté géodésique est aujourd'hui bien consciente de la nécessité de ces corrections et les appliquent lors des traitements de données GPS. Elles sont plus aisées à obtenir que les corrections absolues issues des mesures GPS effectuées en chambre anéchoïque. Il s'agit toutefois de corrections relatives d'une antenne par rapport à une autre. Un biais absolu inconnu subsiste a priori pour l'ensemble du réseau des stations traitées. L'utilisation des corrections absolues d'une antenne du réseau ne résout pas forcément le problème pour autant. En effet, dans ce cas Rothacher et al [1995] observent encore un écart d'un peu plus de un centimètre lorsque les résultats sont comparés à l'ITRF93. Bien qu'ils reconnaissent qu'une part de l'erreur peut provenir de la solution de l'ITRF, il semble que tout ne puisse pas s'expliquer aussi simplement.
Les dégradations volontaires du signal, accès sélectif (SA) et antibrouillage (AS), n'ont pas d'incidence systématique dans le positionnement géodésique différentiel, mais dans le positionnement absolu issu du traitement des codes [Rocken & Meertens, 1991].
Lors de sa traversée de l'atmosphère, le signal GPS est affecté par la réfraction atmosphérique. D'une part, sa direction de propagation change, elle s'incurve. D'autre part, sa vitesse de phase est modifiée, entraînant une avance ou un retard du signal qui résultent en un raccourcissement ou un allongement apparent de son parcours. Ses effets sont regroupés sous le terme de réfraction. Ils dépendent de l'indice de réfraction, et diffèrent notablement suivant la couche de l'atmosphère où l'on se trouve. On distingue de fait:
* une réfraction troposphérique. La troposphère est un milieu électriquement neutre, elle agit comme un milieu non dispersif aux fréquences considérées par les signaux GPS, inférieures à 30 GHz. L'effet est donc identique pour les deux porteuses L1 et L2. L'indice de réfraction dépend de la température, de la pression, et de l'humidité du milieu. Le retard troposphérique produit sur le signal GPS est aussi fonction de l'élévation du satellite. Il est d'environ deux mètres si le satellite est au zénith, mais peut atteindre 30 mètres pour une élévation de 5° puisque la couche atmosphérique traversée par les signaux augmente en conséquence. La correction de l'effet troposphérique s'effectue à partir de modèles empiriques, tels que celui de Saastamoinen [1973] ou de Hopfield [1969]. De nombreux autres modèles existent par ailleurs. Leur nombre traduit la difficulté à modéliser la composante humide de la troposphère. Ceci est essentiellement dû à l'instabilité intrinsèque de la vapeur d'eau. En pratique, l'effet humide ne peut être modélisé à mieux que 10%, ce qui mène à une erreur de 2 à 5 cm en verticale dans le calcul de l'allongement du parcours. L'ajustement des paramètres d'un modèle troposphérique dans le traitement des données GPS permet néanmoins d'obtenir des résultats de positionnement vertical au niveau du centimètre, voire mieux.
* une réfraction ionosphérique. L'ionosphère est un milieu dispersif ionisé par l'action des radiations solaires. L'agitation ionosphérique dépend du rayonnement solaire incident. Par conséquent, l'effet présente des variations diurnes, annuelles, séculaires, et il est fonction de la latitude, du cycle solaire et du champ magnétique terrestre. L'effet sur la mesure de la distance en GPS peut varier entre 0 et 50 m. Le délai ionosphérique est très difficile à modéliser car il exige une connaissance continue de la densité électronique tout au long du parcours, or le contenu électronique total de l'ionosphère présente une variabilité spatiale et temporelle très importante [Warnant, 1996]. Toutefois, le caractère dispersif du milieu permet de déduire la valeur de la correction ionosphérique puisque l'on mesure la même distance sur les deux ondes L1 et L2. Ainsi, l'utilisation de la combinaison des phases L3 permet de corriger l'effet ionosphérique à mieux que le millimètre [Botton et al, 1996].
Les multitrajets sont liés à des obstacles proches qui réfléchissent les signaux vers l'antenne. L'effet est un allongement de parcours. L'amplitude de l'erreur peut atteindre quelques centimètres sur les résultats de positionnement [Arbour, 1994]. L'effet dépend de la géométrie relative entre le satellite, la surface réfléchissante et le récepteur; des obstacles; et du coefficient de réflexion de la surface réfléchissante. Il est d'autant plus important que la session d'observations est courte. On peut toutefois s'en affranchir en prenant quelques précautions, par exemple, en évitant la proximité des surfaces réfléchissantes; en choisissant des équipements spécifiques; et en évitant les satellites bas. Aussi, il peut être détecté en examinant attentivement les résidus liés aux mesures des codes. S'ils ne sont pas distribués aléatoirement, et varient considérablement en amplitude, de l'ordre de quelques mètres, les signaux ont vraisemblablement été contaminés par les trajets multiples.
L'étude récente effectuée par Elosegui et al [1995] montre que le support sur lequel est vissé l'antenne GPS peut être à l'origine d'erreurs systématiques atteignant jusque 10 cm sur la composante verticale. L'effet systématique serait produit par les piliers en béton, et le métal qui se trouve à son intérieur. Il disparaît en utilisant un matériel absorbant placé entre le pilier et l'antenne.
Les effets relativistes influent sur les conversions des temps propres des horloges à bord et au sol en temps GPS; sur la propagation des signaux entre les satellites et le sol en raison de la courbure et du retard dus à la gravitation terrestre; sur le modèle dynamique de forces s'exerçant sur les satellites GPS; enfin, sur l'expression des positions dans un système géocentrique tournant [Boucher, 1985]. Ils doivent être considérés dans une modélisation adéquate étant donné la précision des mesures et l'utilisation conjointe d'horloges situées à la fois sur Terre et à bord de satellites.
La qualité des résultats de positionnement par GPS est notamment fonction des performances du récepteur, de sa résolution, du traitement des mesures, du choix des modèles et des paramètres à estimer. Toutefois, on constate que souvent la modélisation ne permet pas à elle seule de réduire le budget d'erreur du GPS à moins d'un centimètre. Aussi, une alternative satisfaisante réside dans les combinaisons de données qui éliminent certains effets systématiques durant le traitement des données: simples différences, doubles différences, combinaisons linéaire (L3), etc. D'autres devront néanmoins faire l'objet d'une correction par des modèles. Si la modélisation et l'estimation des paramètres est correcte, nous devons obtenir un bruit blanc pour les résidus puisque cette quantité témoigne de la partie non modélisée de l'observable. A ce titre, leur étude permet parfois d'établir l'influence d'un effet systématique sur les données GPS, voire de le modéliser et le corriger. Blewitt [1994] signale par exemple l'évidence de corrélation entre des signaux GPS résiduels de 5 mm d'amplitude et les déplacements du sol calculés à partir de données météorologiques et d'un modèle de charge terrestre. L'auteur conclue que l'effet de charge atmosphérique ne devrait pas être corrigé au niveau des observations, mais a posteriori. En outre, il met en garde contre la précision souvent insuffisante des données météorologiques. Zerbini et al [1996] rapportent des résultats de la campagne SELF en Méditerranée que l'amplitude de l'effet de charge atmosphérique n'excède pas quelques millimètres sur le positionnement relatif entre points. L'explication viendrait de la stabilité des perturbations observées au cours des journées. Les auteurs supposent que l'effet risque d'apparaître dans les comparaisons de résultats de campagnes différentes. Quant à l'effet de surcharge océanique, Blewitt [1994] reconnaît qu'il n'est pas souvent pris en compte dans les analyses GPS, car les calculs s'effectuent sur au moins une journée de mesures. Les effets moyens seraient négligeables. Il admet cependant que l'option n'est peut-être pas optimale si l'on cherche à descendre sous le centimètre en précision. Rappelons à cet égard que l'effet de surcharge océanique est aisé à calculer à partir du modèle proposé dans les standards de l'IERS [McCarthy, 1996], dès lors que l'on connaît les constituants de la marée du lieu.
En outre, la qualité du positionnement du réseau au sol va dépendre du nombre de mesures prises en compte, ou plutôt, de la durée d'observation, qui permet de faire évoluer la configuration géométrique du problème et de mieux estimer les divers paramètres. Mais, il s'avère que, quelque puisse être cette configuration, les nombreux effets systématiques de la composante verticale ne se compensent pas.
Il convient de rappeler qu'il est dangereux de pousser jusqu'aux limites les lois qui n'ont qu'un caractère statistique, telles que la loi des grands nombres. Des résultats très concordants peuvent être entachés d'erreurs systématiques importantes. Dans le cas du GPS, le nombre d'observations traitées est considérable, bien qu'il ne soit pas toujours jugé suffisant, et les erreurs formelles des coordonnées GPS sont donc des estimations statistiques des erreurs sous certaines hypothèses et ne doivent pas être vues comme des vraies erreurs sur les coordonnées. Pour établir la répétabilité entre sessions, des solutions sont calculées par session , puis comparées à la solution globale. Straub et Kahle [1995] remarquent à ce sujet qu'entre les erreurs statistiques et les répétabilités journalières, ils estiment qu'un facteur 20 est un rapport approprié entre les incertitudes réalistes et les erreurs formelles.
Les performances de positionnement évaluées en comparant les résultats d'une journée à l'autre sont en effet plus réalistes car les conditions ont évoluées, assurant un certain niveau d'indépendance. Mais, elles restent quelque peu liées aux récepteurs, aux opérateurs, à certains aspects environnementaux, etc. Aussi, la comparaison des résultats issus d'observations de campagnes distinctes apportera un indicateur de qualité a priori plus fiable. Il le sera d'autant que les données seront traitées par plusieurs centres de calculs ayant développé leurs propres algorithmes, stratégies d'estimation, etc. Néanmoins, on reste toujours au sein d'une même technique. Un niveau d'évaluation plus élevé de la justesse des résultats peut encore être estimé de la comparaison des résultats fournis par des techniques différentes au principe de mesure différents. Voilà résumée la philosophie que l'IERS s'efforce de suivre au travers des sites en colocation.
Les comparaisons effectuées par l'IERS entre techniques sont en théorie les meilleurs outils d'évaluation de l'exactitude que nous ayons à l'heure actuelle sur le positionnement. Si par exemple deux solutions individuelles donnent des résultats que l'on peut déclarer concordants, alors il y a une forte probabilité qu'elles soient toutes les deux exactes. En revanche, si leurs indications ne s'accordent pas, une alternative est possible: l'une d'elles est fausse ou toutes les deux le sont.
* Dans le premier cas, si l'une des deux solutions peut être considérée comme " étalon ", il est presque certain que les erreurs sont le fait de l'autre. C'est sur ce principe que se fonde l'étalonnage d'un instrument, notamment d'un marégraphe, mais également le concept de rattachement géodésique des campagnes régionales à l'ITRS, quelles soient dédiées à la marégraphie ou pas. Cependant, les valeurs considérées comme vraies, qui servent de points de comparaison et d'appui, ne sont jamais connues avec une certitude totale. C'est une raison pour laquelle la stratégie de " réseau libre " est préférée à celle de " réseau d'appui ". Le biais de système de référence étant éliminé dans une seconde phase.
* Dans le deuxième cas, si aucune des solutions ne peut être considérée comme " étalon ", il est nécessaire de procéder à d'autres expériences pour déterminer les causes des discordances. Ce cas révèle le caractère délicat et fondamental du travail de pondération des jeux de coordonnées individuels reçus par l'IERS pour le calcul du repère terrestre.