Les satellites équipés d'un altimètre radar, tels que GEOS 3, SEASAT, GEOSAT, ERS1, et le projet franco-américain TOPEX/POSEIDON, représentent désormais une nouvelle source de données susceptibles de contribuer au problème qui nous intéresse. Le niveau de la mer fourni par cette technique provient de la mesure du temps de propagation d'un signal radar qui émet vers le nadir et qui se réfléchit à la surface de la mer sur une superficie d'environ cinq à dix kilomètres de diamètre. Cette mesure est convertie en distance, en tenant compte des conditions de propagation de l'onde à travers les différentes couches de l'atmosphère. La connaissance de l'orbite du satellite permet alors de déduire la surface topographique marine dans un système de référence géométrique mondial. Cette technique spatiale est devenue un outil précieux pour les océanographes et les climatologues. L'analyse de ses données montre par exemple la dilatation saisonnière de la surface océanique, qui se révèle asymétrique entre hémisphères. La variation d'amplitude est en effet plus faible dans l'hémisphère Sud, de l'ordre de cinq centimètres, que dans l'hémisphère Nord, de l'ordre de quinze centimètres. Nous verrons plus en détail dans le chapitre X les caractéristiques de l'altimétrie satellitaire et l'apport de cette technique pour la surveillance à long terme de l'océan.
L'altimétrie radar par satellite permet aussi la surveillance des calottes de glace polaires. Or, nous avons vu l'importance de connaître le bilan des masses des glaces continentales pour mieux comprendre et quantifier les causes des variations eustatiques passées, présentes et futures. Il convient en effet de noter que:
Equation (E.IV.1)
Ainsi, la contribution de la fonte des glaces continentales aux variations eustatiques est déterminée de manière indépendante, permettant une distinction des facteurs eustatiques. D'autres techniques d'observation sont susceptibles de déterminer le bilan des masses des glaces continentales. Schutz [1995] rapporte notamment le projet GLAS (Geoscience Laser Altimeter System) de la NASA, prévu pour 2001/2002. L'objet de GLAS est de relever les petits changements d'élévation de la surface des calottes de glace, permettant de ce fait d'estimer les variations de volume de glace, autrement dit, la grandeur Vglace de la relation ci-dessus (E.IV.1).
Par ailleurs, la mesure absolue de {g}, accélération due à la pesanteur de la Terre, constitue un autre moyen de détecter les mouvements verticaux de l'écorce terrestre qui contaminent les données marégraphiques. A proximité de la surface terrestre, le gradient vertical de pesanteur est d'environ 0.310-8 ms-2 par mm. Une élévation de l'écorce terrestre, sans apport de masse près du point d'observation, se traduira par une diminution de la pesanteur de 310-8 ms-2 pour chaque centimètre d'élévation. En revanche, si la déformation s'accompagne d'un afflux de matière, la variation de pesanteur enregistrée sera plus faible, elle dépendra en particulier de la densité du nouveau matériel. Considérons le cas où le marégraphe enregistre une élévation du niveau de la mer de 1 cm. Un accroissement de 310-8 ms-2, mesurés à proximité, sur la même période, indiquera une subsidence locale du support de la station. Si au contraire le niveau global de la mer s'est effectivement élevé de cette quantité, alors la variation de pesanteur associée à l'attraction gravitationnelle du supplément d'eau n'excédera pas 0.410-8 ms-2. La variation de {g} due à la charge de l'apport d'eau sur la croûte terrestre sera encore moins importante. La nature physique de l'information apportée par la gravimétrie absolue, combinée avec les données de marégraphie, s'avère donc intéressante pour distinguer les contributions eustatiques et épirogéniques enregistrées par les marégraphes.
D'autres études peuvent également apporter des informations sur l'évolution séculaire du niveau des mers de manière indirecte. Par exemple, il est vraisemblable que le transfert de masses d'eau des glaciers vers l'océan entraîne un changement du moment d'inertie terrestre autour de l'axe de rotation, et par conséquent un changement de la longueur du jour. L'étude de Trupin et al [1992] montre toutefois que l'influence de ce paramètre eustatique est difficile à mettre en évidence à l'heure actuelle.
Les études récentes sur l'évolution du climat à l'échelle des temps géologiques semblent indiquer un comportement avec des seuils et des constantes de temps longues encore mal déterminés. Par exemple, l'hémisphère Sud suivrait le refroidissement de l'hémisphère Nord avec un retard de l'ordre du millier d'années. Aujourd'hui, il apparaît urgent de bien comprendre les mécanismes du système climatique afin de prévoir son évolution et d'éviter, le cas échéant, de perturber celui-ci d'une manière irréversible à court et moyen terme. Dans ce cadre, l'évolution du niveau global de la mer apparaît comme une grandeur d'intérêt climatologique, relativement facile à mesurer. Le problème de sa détermination reprend de l'actualité après plusieurs décennies [Vignal 1935, Gutenberg 1941], non seulement à cause d'une menace environnementale ou socio-économique, mais aussi grâce aux perspectives offertes par les nouvelles technologies spatiales, notamment en géodésie.