II.2.3. Estimations de la tendance séculaire du niveau des mers

II.2.3.1 Le biais géographique

Lors de l'analyse des données, nous avons vu qu'il ne suffisait pas de sélectionner les marégraphes selon la longueur de leur série chronologique, puis de calculer les tendances du niveau de la mer en chacun d'eux, et de déterminer la moyenne arithmétique. Il convient aussi de traiter le problème engendré par la mauvaise couverture géographique des données pour prétendre à une estimation statistique raisonnable de la tendance globale du niveau des mers.

En effet, selon quelques expériences récentes effectuées avec des modèles climatiques globaux, couplés atmosphère-océans, l'amplitude des changements du niveau de la mer dans une région peut différer d'un facteur deux à trois par rapport à la moyenne globale, notamment en raison de la variabilité spatio-temporelle de la circulation océanique et de l'effet stérique [IPCC, 1995].

Aussi, l'échantillonnage très inhomogène des mers, fourni aujourd'hui par les marégraphes, se traduit par un poids relatif démesuré de certaines régions dans le calcul d'une moyenne arithmétique simple des tendances individuelles. Cet effet de pondération indirecte d'une région par rapport à l'autre est d'autant plus accentué qu'il s'agit d'une moyenne arithmétique où les vitesses sont pondérées par l'inverse de leur variance. Nous avons vu à cet égard que la variance augmente avec la durée d'observation, et que les séries temporelles longues se situent souvent dans ces régions où les stations sont nombreuses. Il est donc important de prendre en compte, à l'échelle régionale, les corrélations spatiales du signal de basse fréquence du niveau de la mer, pour que la tendance globale soit représentative de l'ensemble des mers, et non des seuls Océan Atlantique Nord et Mer Baltique, qui regroupent environ 50% des séries temporelles de plus de trente années de données, et 65% des séries de plus de cinquante années de données.

Conscients des problèmes occasionnés par l'échantillonnage spatial, un certain nombre de chercheurs ont eu l'idée de combiner les données suivant un découpage rationnel de la surface des océans en régions. Ensuite, ils calculent des moyennes régionales à partir des données individuelles des marégraphes concernés, puis ils estiment une moyenne globale à partir des résultats régionaux. Le principe est simple et laisse toute latitude à l'imagination pour sa réalisation.

Gornitz et al [1982] distinguent quatorze groupements géographiques de marégraphes, dont en particulier un pour la Scandinavie, mais ce dernier n'intervient pas dans le calcul global. Barnett [1984] identifie les six zones suivantes: 1/ les côtes africaines et européennes de l'Atlantique; 2/ les côtes d'Amérique du Nord-Ouest; 3/ les côtes d'Amérique du Nord-Est, avec la Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique; 4/ les côtes asiatiques de la Chine jusqu'au Japon; 5/ le Pacifique Central et le Nord de l'océan Indien; et, 6/ les côtes d'Amérique Centrale et du Sud-Ouest donnant sur le Pacifique. Pirazzoli [1986] considère plutôt un découpage géométrique du globe en intervalles de 30[[ordmasculine]] de latitude par 30[[ordmasculine]] de longitude, soit 72 cellules, dont une seule ne présente pas de côte marine. Mais, l'auteur remarque très justement que 70% des cellules n'ont pas de données ! Il s'abstient finalement de calculer une valeur globale de la tendance du niveau des mers. Peltier & Tushingham [1991] partagent la surface des océans en sept grands bassins correspondant à l'océan Atlantique Nord-Ouest, l'océan Atlantique Nord-Est, l'océan Atlantique Sud, l'océan Indien, l'océan Pacifique Nord-Ouest, l'océan Pacifique Nord-Est, et l'océan Pacifique Sud et Central. Ils ont en outre l'idée de pondérer les moyennes régionales en fonction de la surface relative qu'elles représentent. Quant à Douglas [1991], il ne précise pas l'origine de sa répartition des marégraphes en neuf régions océaniques.

L'inventaire ci-dessus n'est certainement pas exhaustif, il illustre l'éventail des combinaisons de données marégraphiques qui peuvent être conçues pour estimer un changement du niveau des mers. Les stratégies se fondent principalement sur des considérations géométriques, morphologiques, ou d'éloignement, parfois arbitraires, mais pas sur des éléments reconnus de la physique des océans, tels que la circulation océanique, la cohérence spatiale de la réponse stérique, ou encore de la variabilité interdécennale.

Toutefois, force est de constater que la mise oeuvre d'un découpage fin en relation avec des structures connues de la physique des océans rencontre le problème des lacunes souligné par Pirazzoli [1986]. En l'occurrence, nous avions envisagé de partager la surface des océans en accord avec les informations de topographie dynamique que fournit l'analyse des observations de TOPEX/POSEIDON, ainsi qu'avec notre connaissance actuelle des courants océaniques. Mais, l'examen de la figure 19 montre que, même en considérant tous les marégraphes de plus de vingt années d'observations, certaines régions seraient dépourvues de données, et d'autres en auraient très peu. C'est le cas du Sud de l'Océan Indien, et plus généralement de la plupart des régions de l'hémisphère Sud.

Un découpage en quelques grands bassins, à l'image de celui qui est proposé par Peltier & Tushingham [1991], apparaît finalement raisonnable en l'état actuel. On peut néanmoins s'interroger si les résultats obtenus des données marégraphiques sont représentatifs de l'évolution à long terme des océans. La crainte d'un biais dans l'estimation de la tendance globale est alors fondée. Sans un réseau global convenable, le problème restera vraisemblablement une affaire incertaine.

La technique de combinaisons régionales présente somme toute l'avantage de mieux traiter la surabondance relative de données marégraphiques dans une région, mais elle ne résout pas la question de la représentativité des régions sous-échantillonnées. Un partage des océans selon un comportement homogène, expliqué par la physique de l'océan, semble a priori raisonnable. Mais, correspond-il vraiment à des régions à l'intérieur desquelles le niveau de la mer a une évolution à long terme cohérente ? Quel est encore ce degré de cohérence ?

Dans le calcul final, Peltier & Tushingham [1991] appliquent une pondération, dont l'objet est de prendre en compte l'importance relative des surfaces océaniques que chaque ensemble de marégraphes est susceptible de représenter. En outre, il serait également légitime de pondérer les résultats régionaux en fonction du nombre de marégraphes qui interviennent dans les calculs. Dans une certaine mesure, cela éviterait qu'un nombre critique d'observatoires introduisent un biais d'origine locale, dû par exemple à une dérive instrumentale non détectée, qui remettrait en question la représentativité régionale. Par ailleurs, on pourrait envisager de considérer l'incertitude sur la détermination des moyennes régionales en les pondérant en fonction de la dispersion qui est indiquée par l'écart-type.

La question de la pondération est délicate. La plupart des auteurs ne l'abordent pas. Certains l'évoquent à peine [Barnett 1984, Douglas 1991]. Ils jugent cette démarche inutile tant qu'il subsiste d'autres effets systématiques susceptibles de biaiser les résultats de manière plus significative. Or, les mouvements verticaux de l'écorce terrestre, linéaires sur la période de temps considérée par la marégraphie, sont une source importante d'incertitudes.


II.2.3.2. Rebond postglaciaire et autres effets systématiques

Alors que les variantes de combinaisons régionales se multiplient, le caractère relatif de la mesure du marégraphe apparaît progressivement comme un problème majeur à considérer lors de l'interprétation des résultats. Il devient manifeste lorsque l'on observe les données de la mer du Nord, de la mer Baltique, ou encore des golfes de Botnie et de Finlande (cf. carte de la figure 21.a). Les séries temporelles dans ces parties du globe attestent un comportement régional singulier (cf. figure 41).

L'effet apparent de baisse du niveau de la mer, observée dans ces régions, s'explique par une élévation relativement plus importante en amplitude du socle sur lequel reposent les marégraphes. L'origine de ce soulèvement épirogénique est identifiée depuis longtemps, il résulte de l'ajustement glacio-isostatique qui, aujourd'hui, se poursuit encore dans les régions jadis recouvertes par les grandes étendues de glace continentale. Connu également sous le nom de rebond postglaciaire, ce phénomène affecte de façon manifeste les données marégraphiques situées au-delà de 50° de latitude nord en Europe et en Amérique (cf. figure 29).

Considérant la quantité de données dans ces régions, environ 50% des séries temporelles de plus de 50 ans (cf. figure 19), il est a priori intéressant de pouvoir les corriger de l'effet systématique dû au rebond postglaciaire. Les progrès réalisés dans le domaine de la glacio-isostasie, et notamment dans le développement des modèles numériques [Peltier et al 1978], permettent d'envisager une correction de cet effet systématique en tout marégraphe côtier, que des données géologiques soient disponibles à proximité, ou pas. Les corrections les plus sophistiquées proviennent du célèbre modèle ICE-3G, établi par Tushingham & Peltier [1991].

Figure 41 : Quelques longues séries temporelles de marégraphes situés en Scandinavie, ordonnées par latitude décroissante, entre 65° N et 58° N.


Les premiers résultats, obtenus à partir de données marégraphiques corrigées de l'effet d'isostasie glaciaire, sont publiés vers la fin des années 80. Les auteurs constatent en général une valeur plus élevée de la tendance globale du niveau des mers, mais surtout, ils remarquent que les tendances individuelles du niveau de la mer sont plus cohérentes d'un marégraphe à l'autre. Douglas [1991] estime toutefois que la dispersion des résultats individuels est encore un peu large après correction de l'effet isostatique. Il opte alors pour ne pas prendre en compte les marégraphes des régions Scandinaves. Cette attitude est également adoptée par Peltier & Tushingham [1991], qui jugent que l'effet de rebond postglaciaire est si important dans ces régions, qu'aucun autre signal ne peut être extrait de façon non ambiguë des données marégraphiques concernées. Il est intéressant de trouver par ailleurs l'opinion inverse: Trupin & Wahr [1990] excluent les marégraphes situés au-dessous de 30° de latitude nord, car le signal isostatique y serait trop ténu et homogène pour pouvoir le distinguer d'une élévation globale du niveau des mers.

Les améliorations notables introduites par les corrections des modèles de rebond postglaciaire semblent insuffisantes et controversées. Gornitz remarque que le modèle de Tushingham & Peltier [1991] fournit des corrections plus élevées que celles qui sont obtenues à partir des données géologiques proches [Gornitz, 1994]. L'auteur remet en cause les données géologiques éparses, qui ont servies à établir ce modèle, et la technique d'extrapolation linéaire. Entre-temps, Peltier a amélioré le modèle de déglaciation ICE-3G, notamment en s'appuyant sur des données géologiques mieux calées dans le temps [Peltier, 1994]. Le nouveau modèle ICE-4G présente des résultats qui diffèrent parfois de 200% avec ceux de son prédécesseur [Peltier, 1995].

Outre les incertitudes qui seraient introduites par une histoire approximative de surcharge des glaces continentales, Mitrovica & Davis [1995] démontrent la sensibilité des corrections de l'effet de rebond postglaciaire suivant le profil radial de viscosité du manteau qui est adopté dans le modèle de structure de la Terre. La tendance du niveau des mers varie en conséquence entre 1.1 et 1.6 mm/an avec les données marégraphiques que ces auteurs emploient. Ils ont toutefois une préférence pour la valeur de (1.5 +/- 0.3) mm/an, qu'ils obtiennent en ajustant le profil de viscosité de manière à réduire au maximum la dispersion des tendances individuelles qui subsistait chez Douglas [1991] après correction avec un modèle standard de Terre.

La géologie nous enseigne qu'il existe d'autres sources de mouvement vertical de l'écorce terrestre susceptibles d'affecter le support du marégraphe, et donc de figurer dans le signal marégraphique. La plupart du temps, ces mouvements ont des caractéristiques proches du signal eustatique que nous recherchons. Ils sont linéaires sur des longues périodes de temps, et ils ont une amplitude de l'ordre du millimètre par an. Par contre, leur échelle spatiale est souvent locale ou régionale.

A l'inverse du rebond postglaciaire, aucun modèle n'est encore disponible pour corriger ces signaux "parasites" des données marégraphiques. Les études menées jusqu'à présent supposent qu'ils se compensent dans les moyennes, lorsque l'on prend un nombre suffisant de marégraphes répartis à la surface du globe. Mais, selon Pirazzoli [1986], cette hypothèse ne serait acceptable que si l'ensemble de la Terre était effectivement considéré. Or, les marégraphes se trouvent sur les bordures des bassins océaniques, et, malheureusement, sur certaines côtes seulement. Les enregistrements marégraphiques indiquent, par conséquent, autant une variation à long terme du niveau de la mer que de la côte.

Conscients du bien-fondé de la remarque de P. Pirazzoli, certains auteurs ont eu recours à la notion de côtes stables. En l'occurrence, il s'agit de côtes où l'on n'a pas trouvé d'évidences géologiques ou archéologiques de mouvements verticaux du sol. A cet égard, Emery & Aubrey [1991] ont réalisé un travail considérable de compilation à l'échelle mondiale. De fait, cette revue montre qu'il existe peu de côtes stables, si toutefois il ne s'agit pas plutôt d'une absence d'étude. Les auteurs sont donc réduits à choisir parmi quelques dizaines de marégraphes qui, par ailleurs, remplissent les autres critères de sélection. Emery & Aubrey [1991] arrivent ainsi à trente six stations, alors que Douglas [1991] en prend vingt et une, et Peltier & Tushingham [1991] quarante.

En ce qui concerne les résultats (cf. tableau de la figure 44), Douglas [1991] explique l'écart qu'il obtient avec Peltier & Tushingham [1991] par les différents sites "stables" sélectionnés. Peltier & Tushingham [1991] auraient employé des stations affectées par des effets tectoniques. Malgré une source de données commune, à savoir le PSMSL, force est de constater que peu de marégraphes exempts de mouvements verticaux notables sont communs d'un auteur à l'autre. La figure 42 montre les intersections des jeux "stables" de Emery & Aubrey [1991], Douglas [1991] et Peltier & Tushingham [1991]. En regardant de plus près, on s'aperçoit que seulement deux stations sont présentes dans les trois études; dix-huit figurent dans deux études; et soixante n'apparaissent qu'une fois.

Figure 42 : Situation géographique des marégraphes sélectionnés par Emery & Aubrey [1991], Douglas [1991] et Peltier & Tushingham [1991], selon leur critère propre de manque d'évidences de mouvements épirogéniques.


La notion de côte stable n'est pas très satisfaisante pour d'autres raisons que le côté arbitraire de l'interprétation des éléments géologiques ou archéologiques par les auteurs. Outre le problème de la disponibilité de telles informations, nous devons garder à l'esprit qu'il s'agit de témoignages passés d'un comportement qui n'est peut-être plus présent lors de l'enregistrement du marégraphe. Les séries temporelles de la figure 43 illustrent cette remarque. Peltier & Tushingham [1991] utilisent les données représentées par un cercle, car leur étude se limite à la période [1920-1970]. L'allure des courbes sur cet intervalle de temps ne trahit pas de signaux suspects, ce qui est moins évident par ailleurs. La présence d'un signal parasite est d'autant plus difficile à déceler que ses caractéristiques sont proches du signal eustatique attendu. Enfin, le peu de stations finalement disponibles soulève encore une fois la question de la représentativité des bassins océaniques.

Figure 43 : Comportements suspects de quelques séries temporelles sélectionnées par Peltier & Tushingham [1991].


II.2.3.3. Revue de résultats dans la littérature

Le tableau suivant synthétise quelques résultats de l'analyse des données marégraphiques. L'ensemble des auteurs s'entendent sur une élévation récente du niveau moyen des mers. Le nombre de papiers publiés donne une idée de l'importance du problème d'estimer cette grandeur, mais aussi de la difficulté de l'entreprise. Il est d'ailleurs quelque peu décourageant de s'apercevoir que la valeur n'est pas mieux cernée soixante ans après Vignal [1935]. Les résultats sont compris dans un intervalle de zéro à trois millimètres par an.

L'étude de Vignal [1935] portait sur un grand nombre de mesures effectuées en Méditerranée. L'auteur estimait une tendance légère du niveau moyen à s'élever à une vitesse de l'ordre du millimètre par an, dépassant rarement deux millimètres par an. Il constatait que cette élévation variait très sensiblement et irrégulièrement d'un port à l'autre, remarquant parfois l'abaissement dans certains ports. En outre, il appréhendait déjà correctement la nature du signal délivré par les marégraphes, ainsi que les incertitudes subséquentes: " [...] quand bien même certains appareils marémétriques dénoteraient un mouvement ascensionnel non périodique incontestable du niveau moyen de la mer, cette ascension pourrait tenir, non à une véritable montée des eaux par rapport au socle continental, mais simplement à un affaissement très localisé d'une étroite bande côtière".

Figure 44 : Estimations de la tendance contemporaine du niveau des mers selon différents auteurs, à partir de données marégraphiques.
Résultats
en mm/an
Auteurs Commentaires
1 à 2 Vignal (1935) 23 observatoires en Méditerranée.
1.1 +/- 0.8 Gutenburg (1941) selon Gornitz et al (1982). Période [1807-1939].
1.2 à 1.4 Kuenen (1950) selon Emery & Aubrey (1991).
1.1 +/- 0.4 Lisitzin (1974) Période des observations [1807-1943].
1.2 Fairbridge & Krebs (1962) selon Gornitz et al (1982). [1900-50].
3 Emery (1980) Gornitz et al (1982). [1935-75].
1.2 Gornitz et al (1982) 193 marégraphes. [1880-1980].
1.5 Klige (1982) Emery & Aubrey (1991). [1900-1975].
1.54 +/- 0.15 Barnett (1983) Emery & Aubrey (1991). 9 marégraph. [1903-69].
1.4 +/- 0.14 Barnett (1984) 155 marégraphes. [1881-1980]. T >=30 ans.
0 à 3 Aubrey (1985) Emery & Aubrey (1991).
1.2 +/- 0.3* Gornitz & Lebedeff (1987) 130 marégraphes. [1880-1982]. T>=20 ans.
1.15 Barnett (1988) 155 marégraphes. [1880-1986].
1.75 +/- 0.13* Trupin & Wahr (1990) 84 marégraphes. [1920-80]. T>=37 ans.
1.26 +/- 0.78 Gornitz & Seeber (1990) Emery & Aubrey (1991). Côte Est des USA.
2.4 +/- 0.9* Peltier & Tushingham (1991) 40 marégraphes. [1920-70]. T>=50 ans. ICE-3G.
0.8 Emery & Aubrey (1991) Côtes stables. [1878-1984].
1.8 +/- 0.1* Douglas (1991) 21 marégraphes. [1880-1980]. T>=60 ans. ICE-3G.
1.5 +/- 0.3* Mitrovica & Davis (1995) Mêmes marégraphes que Douglas. ICE-3G.

Notre étude montre qu'il n'y a pas une unique façon d'apprécier le changement global du niveau de la mer à partir des enregistrements marégraphiques, ni même d'estimer une tendance moyenne se rapportant aux jeux de données disponibles.

Les valeurs ci-dessus sont relativement proches. Leurs écarts ne reflètent pas tant les différents choix à la base de l'analyse (marégraphes, durée et période des séries temporelles, combinaisons régionales, modèle physique et techniques statistiques de traitement) que la difficulté d'extraire un signal ténu, encore mal appréhendé, à partir de données ambiguës renfermant vraisemblablement d'autres signaux de caractéristiques voisines du signal recherché. Le problème réside dans l'incapacité des stratégies d'analyse mises en oeuvre jusqu'à présent à détecter et à corriger de manière satisfaisante les effets systématiques potentiels. Aussi, la solution ne pourra provenir de nouveaux traitements des données marégraphiques seules, aussi sophistiqués soient-ils. Une information complémentaire externe semble indispensable.

La précision des résultats, indiquée par certains auteurs, paraît surprenante au regard des différences entre eux. Elle est manifestement optimiste. Afin de l'interpréter correctement, il convient de se rappeler l'origine de l'estimateur de précision d'une moyenne (cf. formule E.II.2). Ainsi, Douglas [1991] explique la valeur affichée par Trupin & Wahr [1990], qui est très proche de la sienne (cf. figure 44). Ils l'obtiennent à partir d'un échantillon plus important de marégraphes, en l'occurrence 84, alors que lui n'en utilise que 21. Par conséquent, la dispersion de leurs tendances individuelles du niveau de la mer autour de la moyenne globale est en réalité deux fois plus forte que la sienne. De fait, elle est encore un peu plus forte puisque la précision de leur moyenne est légèrement supérieure. Selon Douglas [1991], leur plus forte dispersion est due à leur choix de considérer les séries temporelles de plus de 37 ans. Ce critère lui semble un peu juste, il préfère des séries de plus de 60 ans de données.

L'estimateur de précision des résultats est certes optimiste, d'autant qu'il suppose l'absence de biais dans les données... Si nous reprenons le calcul de la section II.2.2.2., qui emploie l'ensemble des marégraphes de plus de dix données annuelles, nous obtenons une tendance globale du niveau des mers de +0.69 mm/an avec une estimation sur la précision de la moyenne de 0.17 mm/an, voisine de la valeur de Douglas [1991]. Mais, cette moyenne est issue d'un échantillon de 714 marégraphes, la dispersion des tendances individuelles du niveau de la mer est par conséquent de 4.5 mm/an, soit onze fois plus large que celle de Douglas [1991].

Parmi nos estimations de la tendance globale du niveau des mers, nous pourrions avoir une préférence pour celle qui considère les marégraphes GLOSS de plus de 40 données annuelles (cf. figure 31). D'abord, la durée minimale des séries temporelles filtre vraisemblablement les signaux océaniques interdécennaux, si l'on se fie à notre étude préalable de la section II.2.1. (cf. figures 17). Ensuite, le réseau GLOSS est conçu dans le but d'assurer une répartition géographique homogène, notamment pour éviter le biais introduit par la surabondance de stations dans le nord de l'Europe et de l'Amérique (cf. figure 42). Enfin, on pourrait se demander dans quelle mesure les auteurs ne s'arrangent pas pour choisir des données qui fourniront un résultat cohérent avec la littérature contemporaine. Nous obtenions pour cet échantillon de 45 marégraphes:

(1.6 +/- 0.3) mm/an



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  • Guy Woppelmann
    Last modified: Wed Dec 30 16:02:07 MET 1998